lundi 14 juillet 2014

La peur au ventre


On dit que « la peur donne des ailes ». En réalité, c’est plutôt la perception d’une menace, réelle ou présumée, qui fait prendre ses jambes à son cou et fuir à toute vitesse. Plus souvent qu’autrement, la peur, elle, paralyse.

De toutes les émotions humaines, la peur, d’un point de vue biologique, est sans aucun doute la plus puissante. Capable de monopoliser le corps en un seul instant, la peur fige l’organisme en entier, supprimant momentanément toute possibilité de mouvement.

Émotion fondamentale, la peur est régie par une structure limbique du cerveau, l’amygdale, responsable notamment des réactions automatiques de combat et de fuite. Jouant un rôle de protection, cette émotion primaire est essentielle à la survie des espèces, le figement prévenant la détection par un prédateur.

Ce n’est toutefois pas par hasard que l’on dit « avoir la peur au ventre », car du coup, son émergence perturbe de nombreuses fonctions vitales de l’organisme humain incluant la digestion. C’est via le système nerveux entérique que la peur et ses consoeurs (angoisse, anxiété, phobie, etc.) atteint les intestins et interrompt les mouvements internes du corps. Nouant l'estomac, la peur occupe le centre du corps, « déchire » l’intérieur. « La peur m’a tordu les entrailles* », écrivait l’auteur Steve Watson.

L’immobilisation infligée par la peur restreint les mouvements externes et internes du corps, comme celui du diaphragme par exemple, provoquant par le fait même une respiration superficielle et inconfortable. Coupant ainsi le souffle, la peur avorte tout élan vers l’avant et fige même le sang. Ne dit-on pas « être glacé de peur »?

Cette paralysie subite et momentanée permet cependant à l'organisme de recevoir un message clair et sans équivoque. Telle une alarme interne, la peur lance un cri d’alerte, son émergence ne pouvant être ignoré.

En perturbant directement les fonctions vitales, l’émotion de la peur démontre non seulement son pouvoir sur le corps, voire sa toute-puissance, mais aussi, et surtout, son importance biologique, son rôle capital à la survie de l'espèce. Une fois le danger passé évidemment, ses effets physiologiques s’estompent et le corps retrouve son état habituel.

Notons finalement que la peur est à l’origine d’états de corps comme l’anxiété, le trac ou la nervosité (voir La nervosité). De manière beaucoup plus subtile ou complexe, on la retrouve également à la source de nombreux mécanismes de défense et de sentiments haineux, l’amour et la peur étant les deux sources fondamentales des émotions humaines.

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* dans Avant d’aller dormir, Sonatine, 2011.