lundi 8 juin 2015

La chaleur corporelle


Dans une perspective dualiste, où le corps s’oppose à l’esprit, la chaleur corporelle symbolise une victoire du corps sur l’esprit, et donc contraire à la raison. Conséquemment, elle est associée aux forces du Mal, à l’emportement et à la folie.

À l’origine, on utilisait l’expression « passions du corps » pour désigner les émotions humaines qu’il fallait dominer grâce aux vertus de la pensée logique et rationnelle. « La colère, comme toutes les passions, est d’abord un état du corps », écrivait le philosophe Friedrich Nietzsche (1844-1900).

Par leur pouvoir « sur le corps », toute « passion du corps » représente une menace certaine pour l’être humain, celle de lever le voile de la raison. Entrant ainsi dans le monde de « l’irrationnel », les émotions - en particulier la colère - symbolisent la perte de contrôle de soi et de l’esprit.

Il en est de même avec la chaleur corporelle qui laisse présumer un « corps en chaleur », et donc un être sexué et sexuel. Dans un discours judéo-chrétien, fondamentalement dualiste, c’est par le corps que l’être humain pèche contre l’esprit (ou Esprit*), enfreignant ainsi la loi divine.

Siège des pulsions primitives et des « bas instincts », le corps est considéré le véhicule des forces du Mal. Il incarne non seulement la finitude de l’être - « Tu es poussière et tu retourneras poussière », alors que l’âme, elle, immortelle, s’élève au Ciel -, mais il est aussi porteur du désir charnel. Dans ce contexte, toute forme de chaleur montante et d’échauffement des sangs est une « allumeuse » du brasier des désirs ou de pulsions irrépressibles incontrôlables, susceptibles de faire basculer l’être humain dans le péché.

La chaleur corporelle suggère par ailleurs un corps « possédé », un être « habité », soit par la maladie (la fièvre par exemple), soit par des forces extérieures surhumaines, voire diaboliques. Nous renvoyant ainsi au « Feu du Mal », une hausse de la température corporelle signale une présence maléfique comme dans l’expression « avoir le diable au corps ».

C’est ce corps torride et « indomptable » qu’il faut soumettre à la douche froide, au bain glacial, afin de tempérer les ardeurs, garder son sang-froid, et surtout, retrouver le contrôle de soi et sur soi.

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*Notons que « Saint-Esprit » nous renvoie également à la notion d’un esprit sain, s’opposant au corps « malsain ».